mardi 23 novembre 2010

Documents pénitentiaires issus du registre d'écrou

Toujours transmis par l'indispensable "bête mahousse", voici deux documents de l'administration pénitentiaire relatifs à la demande de libération conditionnelle formulée par Victor, qui nous renseignent sur la durée de la peine qu'il a effectuée, et surtout sur ses motifs.

D'abord, une Notice individuelle (les pages 1 et 2 sont identiques, mais je ne parviens pas à supprimer ce doublon) :



Et ensuite, un Bulletin de statistique morale :

Demande libération conditio... by Julien Torma


Où une certitude prend corps : Victor à été condamné en 1948 à trois ans de prison, DEUX ANS pour « escroquerie par faux policiers » et UN AN pour « actes de nature à nuire à la Défense Nationale » — ce qui doit se référer à son activité durant l'Occupation.
En comparant les motifs des deux condamnations et la durée respective des peines infligées, il apparaît évident que les accusations colportées par Éric Losfeld puis Pierre Drachline et plus tard par Alfred Eibel relèvent de la diffamation pure et simple.

Victor a été écroué le 16 juin 1947 et libéré le 2 mars 1950.

jeudi 19 août 2010

Deux articles à propos de Maurice Raphaël

L'ami "bête mahousse" nous a récemment transmis plusieurs documents importants. Voici d'abord deux critiques mesurées, bien loin des délires d'un Drachline, concernant partie de l'œuvre publiée sous le nom de Maurice Raphaël. Un article de Jean Roudaut dans la rubrique "Rendre justice à…" du Magazine littéraire n° 71 (décembre 1972), à propos de la réédition chez Losfeld en 1969 d'Ainsi soit-il et Le festival :

Et une étude de Bruno Curatolo publiée en juin 1992 dans le n° 13 de la revue universitaire Roman 20/50, sous la rubrique "La revie littéraire", puis versée en 2005 au dossier accompagnant la réédition de La croque au sel par Alfred Eibel à L'esprit des péninsules :

mardi 18 mai 2010

Livret militaire

Le précieux "bête mahousse" nous a communiqué cet extrait du livret militaire de Victor. On y apprend notamment qu'incorporé au dépôt d'artillerie n°414 le 19 novembre 1939, il fut démobilisé le 15 octobre 1942, date à partir de laquelle il emménage à Toulon, au 42 rue Picot. Plus bas, une mention au crayon, moins lisible : « réintégré le 7-3-66 ».

lundi 12 avril 2010

État civil

L'ami Bernard Joubert, spécialiste incontesté de tout ce qui touche à la censure, s'était procuré auprès des greffes des tribunaux les minutes du procès intenté aux éditions du Scorpion lors de la parution d'Ainsi soit-il et, à partir de ce document, l'extrait de naissance et de décès de Bastiani. Il a eu l'extrême obligeance de nous communiquer la reproduction de ce document.

Le deux décembre mil neuf cent dix-huit [à] une heure […] du matin est né rue de Bouillon, 19, Victor, Maurice, Elie, Jean, Le Page, du sexe masculin, de Arsène, Marie, Le Page, premier maître Commis, quarante-deux ans et de Denise, Fanny, Elise, Jullien son épouse, sans profession, trente-deux ans, domiciliés à Brest.

En marge, au milieu à gauche, cette mention manuscrite en date du 23-11-1977 :
décédé à Paris 5ème le 4 novembre 1977

Victor, donc, tout court, non Victor-Maurice ni Victor-Marie (par contamination du deuxième prénom de son père, sans doute).
Le Page, en deux mots.
Et né à Brest, non à Toulon.

mercredi 7 avril 2010

Présentation de "Bête mahousse"

La personne qui signe ici sous ce nom est sans doute la mieux informée au monde à propos de notre auteur, sur qui il effectue des recherches depuis une dizaine d'années. Il a été consulter son dossier de justice aux Archives Nationales et a discuté avec toutes les personnes possibles ayant connu Victor/Ange, dont la dernière compagne de celui-ci et Eugène Moineau, et l'"informateur" de Losfeld, Paul Morelle.
Il a une hypothèse tout à fait intéressante concernant la véritable raison des accusations de Losfeld dans ses mémoires, mais je ne vais pas lui ôter le plaisir de la dévoiler lui-même — s'il le souhaite, bien entendu.

Un point sur les pseudos

Je me permets de transformer en billet les informations que nous a communiquées voici quelques jours l'ami "bête mahousse" en commentaire (et j'aimerais bien savoir d'où il tient que Hugo Prince est le pseudo de Pierre Genève) :

Histoire de faire le point sur les pseudos, quitte à me répéter, ni Perry Blackton, ni Hugo Prince (pseudo de Marino Zermac, Serge Laurac, Pierre Genève alias Marc Schweizer) ne sont Victor/Ange. Par contre Mario Angeli oui, ainsi que Pascal Minier de la Minardière (pour les articles de presse auto-promotionnels), sans oublier Maurice Raphaël qui n'est pas dans votre liste récapitulative. En revanche, sont à vérifier les pistes menant à Luigi DELLA Costa (Bagatelles pour le plaisir, titre qui fleure bon le coquin, tout à fait dans les cordes de Victor/Ange) et dans la collection "Le mot de l'énigme" aux éditions Colbert pour lesquelles Victor/Ange a travaillé un moment. Et puis pourquoi pas Yves Saint-Malo (dont une nouvelle figure dans la réédition de L'overdose) ?

mardi 16 mars 2010

Un mystère de plus

Qui se cache derrière le pseudonyme de Perry Blackton, l'auteur de La croix des vaches, paru dans la collection "Noire et rose" des éditions Lutèce en 1954 ?
Selon le site Histoire du polar.com, il s'agit de notre auteur, tandis que d'après le forum À propos de littérature populaire, il s'agirait d'André Héléna (dont le pseudonyme le plus courant fut Noël Vexin — et non l'inverse, merci robo !). Tous les deux ont effet publié un bouquin portant ce titre :

La première édition du Héléna semble avoir paru en 1952 chez E. Vinay Editeur (Lyon), dans la collection "Les Compagnons du Destin" (un exemplaire est en vente ici).
H.-Y. Mermet précise dans sa bibliographie que l'ouvrage signé Bastiani (Gerfaut, 1958) — sous-titré Filles à Anvers et dont on peut lire un bref compte rendu ici — a par la suite été réédité sous le titre Satan a besoin des femmes (Eurédif, coll. Atmosphère n°1, 1968).
Petite erreur de sa part, puisque les quatre premiers titres de cette collection Atmosphère furent en réalité publiés par Les Presses Noires. Pour couronner le tout, les deux titres suivants sont dus à la plume de Noël Vexin ! Bon, j'ai ce Satan… quelque part, je vais vérifier s'il y est fait mention d'éditions précédentes.

lundi 15 mars 2010

Des nouvelles de Robo32.exe

Sympathique attention, Robo m'a envoyé un mèle dont j'extrais le passage que voici :
J'ai pris un peu de temps avant de vous envoyer ce mail car, si votre invitation me fait plaisir, je ne pense pas être en mesure de l'honorer.
J'ai en effet l'impression d'avoir tout dit (en ce qui me concerne) sur cette affaire dans mon post "Ainsi soit Ange Bastiani" (grosso modo : rien à foutre !) et je n'ai pas véritablement l'intention de revenir là dessus. je préfère désormais ne parler que des fictions d'Ange, de Victor et de Maurice et de rien d'autre. Juste les textes.
Les rumeurs ne me font ni chaud ni froid.
Néanmoins, je serais un sacré goujat si je refusais de participer — même indirectement — à votre petite aventure. car l'intention est louable. L'article du Matricule des anges, sous couvert de journalisme littéraire "sérieux", a fait des dégâts non négligeables à une réputation qui ne méritait déjà pas d'être ternie. En fait, les deux articles. Celui d'Eibel et celui de Favre. Bref.
Après avoir écrit mon petit billet sur Ange, j'ai reçu un message d'un utilisateur du forum À propos de litt' pop' qui me fournissait les références suivantes (je le cite, j'espère qu'il ne m'en voudra pas…) :

« Ange était adhérent d'un parti collaborationniste, il est donc condamné en 48 à UN an de prison (quand l'innocent Simonin prendra lui 5 ans et Giovanni [..] sera condammé à mort !). Ange a été caché pendant deux ans par son ami d'enfance le romancier Eugène Moineau (soit dit en passant un résistant et juif), c'est lui-même qui me l'a dit ou plutôt répété puisque j'avais déjà eu d'autres témoignages dans ce sens. Ange et la rue Lauriston ? Grosse frayeur dans les chaumières, mais désolé, les gestapistes, délateurs, tortionnaires ont été soit fusillés soit lourdement punis. Pourquoi pas Ange s'il en avait été ? Serait le fils caché du Général ? Ange aux commissariat général aux questions juives ? Ouah ! quelle histoire, on en mouille dans son pantalon. Sauf que c'est marrant, suite à ma demande, au Centre de documentation juive contemporaine, il n'y a aucune trace de Le Page/ Bastiani, aucun dossier, aucune mention. »

Concernant le dernier point, un petit détail pas très utile et très "conversation de bistrot" — mais c'est pas pire qu'un article sans source…
Donc.
Selon Michel Lebrun, Bastiani est né en 1918 — ce qui, lors des "événements" (comme on dit...), lui faisait, grosso modo, 25 ans. Et à 25 ans, « responsable aux Questions juives pour les départements de l'Eure et de l'Eure-et-Loir » ça fait un peu beaucoup non ? Bastiani était collabo, cela ne fait aucun doute, mais de là à corser la sauce pour vendre sa salade, il y a tout de même une sacrée marge.
Quant à l'affaire en elle-même, j'en reste à l'article de Pierre Genève — le témoignage d'un type qui connu et édita Héléna et Bastiani dans des collections pornos a pour moi beaucoup plus de valeur que les jérémiades d'un pauvre cave du Matricule des anges ;)

Juste deux remarques :
1) On peut vérifier que Pierre Genève et Marino Zermac (pseudonymes de Marc Schweizer qui en est d'ailleurs un autre) ne font effectivement qu'un en comparant leurs biographies respectives, ici et (§ "Enfant de l'amour"). En relisant les informations que Zermac fournit sur Bastiani, je m'aperçois d'ailleurs qu'il précise le lieu de son décès (rue d'Alésia, à Paris) et même l'église où fut célébré l'office :

Franc buveur, efficace, fantastique entraîneur d'hommes, Ange était devenu un ami fidèle. Lorsqu'il mourut, rue d'Alésia, en 1977, ses biens ne revinrent pas à la jeune et gentille compagne de ses dernières années, mais à sa plus proche parente, la Révérende Mère Marie-Ange (Lepage pour l'état-civil), supérieure d'un couvent breton. Il existe deux autres versions de cette succession. L'une affirme que la révérende refusa l'héritage sulfureux de son neveu dont les biens revinrent à l'État, et l'autre qui prétend qu'Ange mourut tellement endetté qu'il ne laissait même pas de quoi payer son enterrement.
Toujours est-il que sa tante exigea que son neveu hédoniste et mécréant fût enterré religieusement. L'office qui se déroula à l'église Saint-Pierre du petit Montrouge, avenue du Général-Leclerc à Paris, fut interrompu à plusieurs reprises par des coups violents paraissant frappés dans les murs, soit dans les voûtes de l'édifice.
Soudain la voix de Robert Vergnes, au fort accent rocailleux du Sud-Ouest, s'écria :
— Ange, es-tu là ? Si tu es là, viens nous rejoindre à la sortie ! On va boire un coup à ta santé, rue Daguerre, chez Bernard Péret !

Récemment, une amie théologienne me confia que la tante d'Ange Bastiani, Révérende Mère Marie-Ange du Sacré Cœur de Jésus en religion, avait été une femme remarquable, proche collaboratrice de la très extraordinaire Yvonne-Aimée de Malestroit, décorée par le Général de Gaulle pour hauts faits de résistance !
2) Le membre du forum qui a fourni de si précieux renseignements à l'ami Robo est un certain "bibouillou", qui semble en effet en connaître un bon bout sur la question (et pas seulement) : voir par exemple son commentaire sur cette page. Malheureusement, lui non plus ne fournit aucun justificatif pour étayer ses propos. Je vais lui envoyer un mot par le biais du forum en question.

dimanche 14 mars 2010

encore un coup dans l'eau

Retrouvé cette histoire de la Carlingue que je me souvenais avoir lue il y a presque vingt ans.
Pas une somme universitaire, mais un Fleuve noir signé Serge Jacquemard, alias Paul Kenny. Plutôt bien documenté, avec mention de tous ceux qui ont joué un rôle de premier ou de deuxième plan au sein de la Gestapo française. Lepage n'y apparaît nulle part, ce qui donne à penser que s'il s'est compromis avec cette bande d'affreux, c'était en tant que petite main, ou bien effectivement en Eure-et-Loir et pas à Paris.
Pour vérifier la deuxième hypothèse, il faudrait mettre la main sur Au service de l'ennemi, la Gestapo française en province 1940-1944 écrit par Philippe Aziz et sorti chez Fayard en 1972...
Il faudrait aussi être en mesure d'en parler à Serge Jacquemard, qui a rencontré des témoins de l'époque et a sans doute croisé Ange Bastiani chez Fleuve noir, qui les édita tous deux. On peut imaginer qu'il ait une opinion sur la question.

vendredi 12 mars 2010

Des nouvelles d'un diligent passionné

Ce n'est pas grand-chose-chose, mais bon.
J'ai envoyé hier à Claude Mesplède le mèle suivant :

Bonjour,
Je me permets de vous écrire pour vous demander un renseignement.
J'effectue en ce moment un travail de recherche sur la fiabilité de la rumeur selon laquelle Ange Bastiani/Maurice Raphaël/Victor-Marie Lepage aurait exécuté de basses œuvres pour la Gestapo sous l'occupation :
http://victormarielepage.blogspot.com/
J'ignore si c'est vous ou Jean-Jacques Schleret qui avez rédigé sa notice biographique pour Voyage au bout de la Noire (que j'ai pris la liberté de recopier partiellement sur le site susmentionné) mais il semble en tout cas que ce soit sur celle-ci que se fondent les (maigres) indications fournies par la fiche biographique de la BN ou Wikipedia.
J'aimerais savoir comment vous avez eu connaissance de ces dates de naissance et de décès, et si par hasard vous sauriez où ce décès a eu lieu (ce qui me permettrait, peut-être, d'accéder à l'acte de décès, de là à la fiche d'état-civil, etc.)
Très cordialement, etc.

Il a eu la gentillesse de répondre aujourd'hui ceci :

Je suis dans un salon polar pour le week-end alors je vous la fais courte. Je suis l'auteur de la fiche dont vous parlez. C'est simple ça : Schléret ne lisait pas les Français et je suis l'auteur de tous les Français + pas mal d'autres non-Français. Je ne me souviens pas avoir utilisé votre formule car on n'est jamais trop prudent mais j'avais trouvé dans le Nouvel Obs. références à son passé de milicien. Sa date de décès, je la tiens peut-être de Michel Lebrun qui avait gardé le contact mais sitôt de retour à Toulouse, je regarderai mes archives fort minces sur ce cas et vous en enverrai une photocopie.
Bien à vous,

Claude Mesplède

mardi 9 mars 2010

Notice biographique (Mesplède/Schleret)

BASTIANI Ange (1918-1977)
Français. Pseudonyme de Victor-Marie Lepage né le 2 décembre 1918 à Toulon. Il exerce des professions diverses, dont celle d'agent électoral. Il affectionne les pseudonymes : Zep Cassini, Ange Gabrielli, Victor Saint-Victor, Vic Vorlier, Luigi da Costa ou Maurice Raphaël. C'est sous ce dernier qu'il publie, en 1948, ses premiers romans, aux éditions du Scorpion : Ainsi soit-il, De deux choses l'une et Le Festival, trilogie noire, bientôt suivie par Feu et flammes (1953) et Une morte saison (1954; rééd. Le Tout sur le tout, 1983). À l'occasion de cette réédition, le critique littéraire Pierre Drachline écrit que Lepage a usé de multiples pseudonymes dans un but inavouable : « … il espérait seulement brouiller les pistes et camoufler ainsi ses activités de responsable gestapiste du département de l'Eure et Loire pendant l'occupation… » (« De la gestapo à la Série Noire », Le Nouvel Observateur, 1983).
Lepage publiera onze ouvrages signés Maurice Raphaël dont Claquemur (1953) qui attire l'attention d'André Breton. Mais l'échec de Feu et flammes (les péripéties d'un couple en forêt provençale) le conduit au roman policier. Il signe, l'année suivante, Arrête ton char, Ben Hur !
[…]
En plus de nombreuses nouvelles, Bastiani/Lepage a publié une cinquantaine de romans noirs, de romans érotiques ou de guide canulars. Il a reçu le Prix du suspense 1965 pour Retourne en enfer et le Prix de l'humour noir 1968 pour Le Bréviaire du crime, un recueil de nouvelles et de recettes pour assassiner son prochain, paru chez Solar.
Ange Bastiani est décédé le 4 novembre 1977.


Claude Mesplède, Jean-Jacques Schleret, Les auteurs de la Série Noire (Voyage au bout de la Noire) 1945-1995, Joseph K., 1996, p. 39

J'avais complètement oublié cette notice ! Cette fois, c'est donc Pierre Drachline qui s'y colle, reprenant à la lettre les accusations colportées par Losfeld, toujours sans la moindre justification. Surtout, cet argument de la multiplicité des pseudonymes est particulièrement risible, puisqu'il n'existe aucun texte signé du véritable patronyme ! Enfin, au moins a-t-on les dates exactes de naissance et de décès…
Mesplède dispose de son propre site : j'irai lui demander d'où il tient ces informations, quand j'aurai un peu plus de temps.

lundi 8 mars 2010

des bricoles, pour l'instant

Il faudra un peu de temps pour dénicher de vrais biscuits bien consistants, parce que tout ce qu'on trouve aisément sur la toile est redondant et ne ramène qu'à la question posée ci-dessous sans apporter de précisions utiles. Il existe dans le boxon de Pop9 une histoire de la bande Bonny-Lafont qu'il s'agit de retrouver...
Voici deux petites choses, en attendant mieux et pour confirmer que le jeu proposé par m'sieur George retient notre intérêt :
1) un lien vers les allumés de Deadlicious et quelques couvrantes,
2) une liste sans doute non exhaustive des pseudonymes du monsieur : Ange Bastiani, Ralph Bertis, Zep Cassini, Vic Vorlier, Luigi da Costa, Ange Gabrielli, Hugo Prince, Victor Saint-Victor (cette liste a été trouvée sur le forum A propos de littérature populaire, ici).

jeudi 4 mars 2010

Présentation en vrac

Je propose que nous tentions, à plusieurs, d'en finir avec cette rumeur qui perdure plus de trente ans après la disparition de Victor-Marie Lepage, à propos de ses activités durant l'Occupation : selon les uns, il aurait œuvré au Commissariat aux Questions Juives en Eure-et-Loire, selon les autres, il aurait torturé à la Carlingue, rue Lauriston, et d'autres enfin affirment qu'il ne se serait retrouvé en prison à la Libération qu'à cause de menus trafics.
En finir, c'est-à-dire, tenter d'asseoir la vérité, pour le meilleur ou pour le pire.

Pour ma part, j'ai pris connaissance de cette rumeur au début des années 80, en lisant les mémoires d'Éric Losfeld, Endetté comme une mule ou la passion d'éditer. Losfeld avait publié Claquemur aux éditions Arcanes en 1953, mais après qu'il eut réédité, en 1969, en deux volumes, Ainsi soit-il et Claquemur d'une part, et Le festival et De deux choses l'une d'autre part, il a reçu un coup de téléphone qui le railla sur sa notoire intégrité politique, l'assurant que Maurice Raphaël était "un joli coco" qui aurait torturé des juifs sous l'Occupation, en Eure-et-Loire. Ni une, ne deux, Losfeld rompit illico les ponts avec Maurice Raphaël.
Bon, n'ayant pas le bouquin sous la main, je cite de mémoire et je ne sais plus non plus qui était ce correspondant téléphonique, ni si Losfeld le précise, d'ailleurs.
C'est à la même époque, en 1983, que je découvrais Maurice Raphaël avec Une morte saison, que les éditions Le Tout sur le Tout (fondées par Dominique, qui créera ensuite Le Dilettante, et Léon Aichelbaum, entre autres). La sensibilité et la finesse de l'auteur me semblaient complètement incompatibles avec les accusations reprises par Losfeld, auxquelles je n'ai du coup pas accordé grand crédit.

Et puis voici peu, je ne sais plus comment, je suis tombé sur cette page du blogue Au carrefour étrange consacrée à Raphaël/Bastiani, qui offre deux liens : l'un menant vers l'article d'Alfred Eibel dans le Matricule des Anges n°16 (1996), que je ne connaissais pas, qui ne cite aucune source et qui contredit la version Losfeld puisqu'il n'est plus question du Commissariat aux QJ d'Eure-et-Loire mais de la Carlingue, à Paris; et l'autre menant à une page consacrée au livre où Modiano (qui l'a connu dans les années 60) met en scène Maurice Raphaël. Or celle-ci propose à son tour un lien menant aux souvenirs de Marino Zermac (pseudonyme de Pierre Genève, selon ROBO32.EXE, à qui je me suis permis de piquer la photo illustrant l'en-tête, ici-même), dont j'ignorais tout, mais qui au §404 affirme que cette rumeur circulait déjà dans les années 50 et qu'elle est dépourvue de fondement.

Bien. Quelles sont les premières pistes ?
Alfred Eibel n'est certes pas n'importe qui (il a édité Jean-Pierre Martinet, dont il fut le voisin de palier, cher Antoine P.), mais dans cet article du MdA de 1996 il ne justifie aucunement ses assertions. Peut-être fournit-il plus de détails dans le dossier qu'il a réuni pour la réédition de La croque au sel (L'esprit des péninsules, 2005), mais je n'ai pas cette édition-là et l'éditeur a fait faillite.
Le petit-fils de Régis Messac, Éric Messac, s'intéresse également depuis un bout de temps à cette histoire (voir sur cette page, à partir du 53ème commentaire), j'ignore pourquoi. Malheureusement, je n'ai pas ses coordonnées.
Le plus simple serait peut-être d'aller voir les archives du Commissariat aux Questions Juives (je propose d'abréger dorénavant en "CQJ"), qui sont censées être ouvertes au public depuis 1998. Mais il paraît qu'un décret ultérieur en a restreint l'accès.
Voilà à peu près où j'en suis.

Par ailleurs, je me propose de retranscrire ici-même la bibliographie la plus complète de notre auteur : celle établie par H.-Y. Mermet en 1986 pour la réédition au Dilettante de l'une des nouvelles de L'emploi du temps, Les yeux de la tête. On pourra ainsi la compléter au fil des découvertes de chacun.

J'ai pour l'instant proposé aux quatre personnes que je sais s'intéresser à Victor-Marie Lepage et dont j'ai trouvé les coordonnées de contribuer à ce blogue : losfeld de Au carrefour étrange, Antoine Peuchmaurd, Edmond Gropl et Pop9.
J'aimerais bien envoyer une invitation à ROBO32.EXE, mais je n'arrive pas à trouver son adresse mèle : si l'un d'entre vous la connaît…
Bien entendu, tous ceux que cette histoire intéresse sont les bienvenus.